1、 ContentsCHAPITRE PREMIERCHAPITRE IICHAPITRE III123CHAPITRE IV12CHAPITRE V123CHAPITRE VICHAPITRE VII123CHAPITRE VIIICHAPITRE IX12CHAPITRE XCHAPITRE XICHAPITRE XIICHAPITRE XIIICHAPITRE XIVCHAPITRE XVCHAPITRE XVI123CHAPITRE XVII1234CHAPITRE XVIIICHAPITRE XIX12CHAPITRE XXCHAPITRE XXICHAPITRE XXIIAGATHA
2、 CHRISTIEDestination inconnueTraduit de langlais parMichel LE HOUBIETitre original : Destination UnknownCLUB DES MASQUESCHAPITRE PREMIERLhomme assis derrire le bureau dplaa de quelques centimtres sur la droite un lourd presse-papiers en verre. Plutt que pensif ou proccup, son visage semblait dpourvu
3、 dexpression. Il avait le teint ple des gens qui passent la plus grande partie de leurs journes la lumire artificielle. On devinait en lui un homme de cabinet. Un homme de dossiers et de fiches. Et le fait que, pour parvenir jusqu lui, il fallait suivre de longs et tortueux couloirs souterrains avai
4、t quelque chose dtrange et dinsolite. Il et t difficile de lui donner un ge. Il ne paraissait ni vieux, ni jeune. Il navait pas de rides, mais une grande lassitude se lisait dans ses yeux.Lautre personnage qui se trouvait dans la pice tait son an. Brun, avec une petite moustache dallure militaire, i
5、l dbordait manifestement dactivit et dnergie. Incapable de tenir en place, il se promenait de long en large, jetant de temps autre, dune voix brve, quelque remarque explosive : Des rapports, des rapports et encore des rapports ! Et pas un, dans le tas, dont on puisse tirer quelque chose !Lhomme qui
6、tait au bureau baissa les yeux sur les papiers quil avait devant lui. Sur le dessus, il y avait une fiche de carton, portant un nom, suivi dun point dinterrogation : Betterton, Thomas Charles ? Hochant la tte, il dit : Ces rapports, vous les avez tudis et ils ne contiennent rien dintressant ?Lautre
7、haussa les paules. Comment laffirmer ? videmment, on ne sait jamais ! On la vu sur la Riviera, on la rencontr Anvers, identifi de faon certaine Oslo, aperu Biarritz, remarqu Strasbourg, o son comportement a sembl suspect. On la vu sur la plage dOstende, en compagnie dune blonde magnifique, et se pro
8、menant dans les rues de Bruxelles, avec un superbe greyhound. On ne la pas encore rencontr au Zoo, le bras pos sur lencolure dun zbre, mais je suis tranquille, a viendra ! Personnellement, Wharton, avez-vous une ide ? Pour moi, jattendais beaucoup de la piste dAnvers, mais elle na men nulle part. vi
9、demmentLhomme se tut, comme brusquement plong dans un abme de rflexions, dont il ne sortit que pour prononcer des mots assez nigmatiques : Oui, cest probable. Malgr cela, je me demandeLe colonel Wharton sassit sur le bras dun fauteuil. Il faut pourtant en finir ! scria-t-il, un peu dexaspration dans
10、 la voix. Il y a l un pourquoi, un comment et un o qui ne peuvent pas ternellement rester sans rponse ! On ne peut pas continuer perdre tous les mois un savant spcialis, sans jamais tre fichu de dire comment il disparat, pourquoi il sen va et o il sest rendu ! Est-ce o nous pensons ou ailleurs ? Nou
11、s avons toujours eu l-dessus notre opinion, mais je ne suis plus tellement sr quelle vaille quelque chose ! Avez-vous lu les derniers rapports sur Betterton qui nous sont arrivs des tats-Unis ?Lhomme assis au bureau hocha la tte. Oui. Il a eu des ides de gauche quand ctait la mode, mais, autant que
12、nous sachions, il ne les a pas gardes longtemps. Il a fait du bon travail avant la guerre, mais rien de sensationnel. Quand Mannheim sest enfui dAllemagne, Betterton lui a t adjoint, en qualit dassistant, et il a fini par pouser la fille de Mannheim. Aprs la mort de Mannheim, il a poursuivi les trav
13、aux du savant allemand et il est devenu clbre avec sa stupfiante dcouverte de la fission ZE. Une vritable rvolution scientifique, qui la mis en vedette. On pouvait lui prdire une carrire extrmement brillante, quand la mort de sa femme, survenue peu aprs leur mariage, la laiss dsempar. Il est venu en
14、 Angleterre et, depuis un an et demi, il tait Harwell. Il sest remari, il y a six mois. Rien de ce ct-l ? notre connaissance, non. Cest la fille dun avou de Harwell et, avant son mariage, elle travaillait dans une compagnie dassurances. Daprs nos renseignements, elle ne sest jamais occupe de politiq
15、ue. La fission ZE ! sexclama Wharton, dun ton dgot. O ils vont chercher ces noms-l, je me le demande ! Je dois tre vieux jeu. Jamais je nai vu une molcule et aujourdhui, eux, ils en sont diviser lunivers, avec des bombes atomiques, des fissions nuclaires, des fissions ZE et je ne sais quoi encore !
16、Et Betterton tait un des as de la spcialit ! Quest-ce quon dit de lui, Harwell ? Quil avait une personnalit trs attachante. Quant ses travaux, ils navaient rien dexceptionnel. De simples variations sur les applications pratiques de la fission ZELes deux hommes gardrent le silence un instant. Ils ava
17、ient parl comme btons rompus. Les rapports des services de scurit formaient une pile sur le bureau et ces rapports navaient rien dire dintressant. Bien entendu, reprit Wharton, quand il est arriv en Angleterre, on sest srieusement renseign sur son compte ? Oui. Les rsultats de lenqute ont t trs sati
18、sfaisants. Dix-huit mois ! dit Wharton songeur. Vous savez que a les fiche par terre ? Des mesures de scurit, limpression dtre tout le temps sous le microscope, cette vie de reclus, tout a finit par leur tre insupportable. Ils deviennent nerveux, bizarres, je lai souvent constat, et se mettent rver
19、dun monde idal. On est libres, on est fier, on na pas de secrets les uns pour les autres et on travaille tous pour le bien de lhumanit ! Quand ils en sont l, quelquun entre en scne, qui justement reprsente plus ou moins la lie de lhumanit, quelquun qui sait que son heure est venue et qui ne la laiss
20、e pas passer !Se grattant le nez, il ajouta : Il ny a pas plus crdule quun savant, tous les faux mdiums vous le diront. Pourquoi ? a, je ne le vois pas !Lautre eut un sourire dsabus. Il ne peut pas en aller autrement, dit-il. Le savant est sr de savoir, et cest toujours dangereux. Nous, nous sommes
21、dune autre espce. Nous sommes pleins dhumilit et nous ne nous imaginons pas que nous allons sauver le monde. Nous sauvons ce que nous pouvons et nous tchons denlever les pices qui empcheraient la machine de tourner.Frappant de la pointe de lindex sur la table il poursuivit : Si seulement jen savais
22、un peu plus long sur Betterton ! Je ne parle pas de son pass, de ce quil a pu faire, mais de ces petits riens qui nous clairent sur la personnalit dun individu : les plaisanteries qui lamusent, les choses qui le font jurer, les gens quil admire et ceux qui lexasprent ! Vous avez vu sa femme ? plusie
23、urs reprises. Elle ne vous a t daucun secours ? Jusqu prsent, non. Vous croyez quelle sait quelque chose ? Naturellement, elle prtend ne rien savoir. Attitude traditionnelle. Comme le reste : douleur, angoisse, rien ne laissait prvoir , mon mari menait la vie la plus rgulire, il navait aucun souci d
24、aucune sorte , etc, etc. Daprs elle, il aurait t enlev. Vous, vous ne la croyez pas ?Lhomme du bureau poussa un soupir. Jai une tare : je ne crois jamais personne. quoi ressemble-t-elle ? demanda Wharton. Cest une femme trs ordinaire, comme vous en rencontrez tous les jours chez vos amis bridgeurs !
25、 Je vois. a rend le problme plus difficile ! Elle est ici en ce moment. Elle vient me voir et nous allons, une fois encore, battre le mme terrain ! Cest la seule mthode, dit Wharton. Moi, dailleurs, elle ne me conviendrait pas. Je naurais pas la patience !Il se leva. Je men vais. Nous navons gure pr
26、ogress, hein ? Malheureusement, non. Vous pourriez revoir dun peu prs ce rapport dOslo. Il pourrait bien tre l-bas.Wharton acquiesa dun mouvement de tte et sortit. Lautre dcrocha le rcepteur du tlphone. Je vais recevoir Mrs. Betterton. Envoyez-la-moi !Quelques instants plus tard, on frappait la port
27、e et Mrs. Betterton tait introduite dans la pice. Ctait une femme de belle taille, paraissant vingt-sept ans environ. Le plus remarquable en elle, ctait ses cheveux, une magnifique chevelure dun brun roux, dune splendeur flamboyante. Le visage tait insignifiant, avec des yeux bleu-vert et des cils t
28、rs clairs, si frquents chez les rousses. Il observa quelle ntait pas maquille et ce dtail loccupa, tandis que, aprs avoir salu sa visiteuse, il linvitait sinstaller confortablement dans le fauteuil le plus proche de son bureau. cause de cette absence de fard, il inclinait penser que Mrs. Betterton e
29、n savait plus quelle ne prtendait. Une femme vraiment malheureuse et inquite ne nglige pas son maquillage. Elle le soigne, au contraire, parce quelle sait que le chagrin enlaidit. Il se demandait si Mrs. Betterton ne faisait pas exprs de ne pas se farder, afin de mieux tenir son rle dpouse affole pa
30、r la douleur. peine assise, dune voix angoisse, elle dit : Jespre, monsieur Jessop, que vous avez des nouvelles et que cest pour celaIl secoua la tte : Je suis dsol, madame, de vous avoir fait venir et de navoir rien de neuf vous apprendre.Olive Betterton sourit tristement. Je sais. Votre lettre mav
31、ait prvenue. Mais je voulais croire que depuis que vous laviez crite Malgr cela, je suis contente dtre venue. Rester chez soi, sinterroger, retourner perptuellement les mmes ides dans sa tte, cest le pire de tout ! Parce quon se rend compte quon ne peut rien faire !Lhomme quelle avait appel Jessop r
32、eprit dune voix trs douce : Vous ne men voudrez pas, madame, de vous poser de nouveau aujourdhui les questions que je vous ai dj poses, de revenir avec vous sur des faits que nous avons dj examins ensemble. Il est toujours possible quun petit dtail nous apparaisse qui jusqualors nous avait chapp, un
33、 dtail auquel on navait pas pens et qui peut tre lourd de signification Je comprends fort bien. Vous pouvez me demander tout ce que vous voulez. Cest bien le 23 aot que vous avez vu votre mari pour la dernire fois ? Oui. Le jour o il a quitt lAngleterre, pour se rendre une confrence tenue Paris ? Ex
34、actement.Jessop poursuivit : Il a assist aux runions des deux premiers jours. Le troisime jour, on ne la pas vu. Il semble quil avait dit un de ses collgues que, ce jour-l, il ferait une promenade en bateau-mouche. En bateau-mouche ? Quest-ce que cest quun bateau-mouche ?Jessop sourit. Un petit bate
35、au qui navigue sur la Seine.Le regard fix sur son interlocutrice, il ajouta : a ne vous parat pas trange, a, de la part de votre poux ? Si, dit-elle. mon avis, les travaux de la confrence lintressaient plus que les promenades sur la Seine. Je nen doute pas. Il est vrai que, ce jour-l, la question po
36、rte lordre du jour ntait pas de celles qui retenaient plus particulirement son attention. Il pourrait donc fort bien stre donn cong. Daprs vous, a ne lui ressemblerait gure ? Non. Ce soir-l, reprit Jessop, il nest pas rentr son htel. Autant quon ait pu ltablir, il nest pas sorti de France, du moins
37、en utilisant son propre passeport. Se peut-il quil en ait eu un autre ? Un autre ? Pour quoi faire ? Vous ne lui avez jamais vu entre les mains un passeport qui ne ft pas son nom ? Jamais !Elle ajouta, sanimant soudain : Et jamais vous ne me ferez croire, comme vous le pensez tous, quil est parti de
38、 son plein gr ! Il lui est arriv quelque chose. Ou bien, alors, il a perdu la mmoire ! Il se portait bien ? Trs bien. Travaillant beaucoup, il tait quelquefois trs fatigu, mais sa sant tait excellente. Vous navez pas eu limpression quil tait soucieux ou dprim ? Jamais !Elle tira son mouchoir de son
39、sac main. Ses doigts tremblaient. Cest pouvantable ! scria-t-elle dune voix brise. On dirait que je vis un mauvais rve ! Jamais il ne sest absent sans me prvenir. Il lui est arriv quelque chose, jen suis sre ! On la enlev ou, alors, on la tu ! Cest une ide qui me rvolte, mais plus jy songe, et plus
40、je suis persuade quil est mort lheure quil est !Jessop protesta : Voyons ! Voyons ! Cest une hypothse que rien ne justifie. Si vous aviez raison, il y a longtemps quon aurait retrouv son corps ! Pas sr ! On peut fort bien lavoir jet leau ou lavoir prcipit dans un gout ! Paris, tout est possible ! Je
41、 puis vous certifier, madame, que Paris est une ville o la police est bien faite !Cessant de se tamponner les yeux avec son mouchoir, elle rpliqua, agressive : Votre ide, je la connais, mais vous vous trompez ! Tom ntait pas homme trahir ou vendre des secrets. Il ntait pas communiste. Dans sa vie, i
42、l ny avait rien cacher ! Quelles taient ses ides politiques ? Aux tats-Unis, il tait dmocrate, je crois. Ici, il votait travailliste. Mais la politique ne lintressait pas. Ctait un homme de science, uniquement.Dun air de dfi, elle ajouta : Et un grand savant ! Exact, dit Jessop. Un grand savant Cest
43、 toute laffaire ! Il se peut fort bien quon lui ait fait des offres considrables pour le dcider quitter lAngleterre et aller travailler ailleurs. Cest faux !Dune voix indigne, elle poursuivit : Cest ce que les journaux voudraient faire croire et cest ce que vous croyez, vous ! Mais ce nest pas vrai
44、! Jamais il ne serait parti sans me dire o il allait, ou sans men dire assez pour que je puisse le deviner ! Et il ne vous a rien dit ?Elle supporta son regard sans broncher. Rien. Je ne sais pas o il est. Comme je vous lai dit, pour moi, ou il a t enlev, ou il est mort. Seulement, sil est mort, il
45、faut que je le sache ! Et le plus vite possible. Parce que je ne peux pas vivre comme a ! Je ne mange plus, je ne dors plus, je suis malade de chagrin et dinquitude. a ne peut pas durer ! Mais vous ne pouvez donc rien pour moi ? Rien ?Il se leva et vint prs delle. Je suis dsol, madame. Vraiment ! Pe
46、rmettez-moi de vous dire que nous faisons tout ce que nous pouvons pour savoir ce quil est advenu de votre mari. Des rapports, nous en recevons tous les jours, et de partout ! Que disent-ils ? Il faut le temps de les examiner, de les passer au crible, de faire des vrifications. Mais, dans lensemble,
47、 je ne saurais vous le cacher, ils restent trs vagues. Mais il faut que je sache ! a ne peut pas continuer comme a ! Vous aimez votre mari ? Comment, si je laime ? Mais il y a peine six mois que nous sommes maris ! Je sais. Et, vous me pardonnerez de vous poser la question, il ny a jamais eu de disputes entre vous ? Jamais ! Vous naviez aucune raison dtre jalouse ? Aucune. Je vous le rpte, nous nous sommes maris en avril dernier ! Croyez, chre madame, que je ne tiens
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