1、Le bateau ivreComme je descendais des Fleuves impassibles,Je ne me sentis plus guid par les haleurs :Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,Les ayant clous nus aux poteaux de couleurs.Jtais insoucieux de tous les quipages,Porteur de bls flamands ou de cotons anglais.Quand avec mes hal
2、eurs ont fini ces tapages,Les Fleuves mont laiss descendre o je voulais.Dans les clapotements furieux des mares,Moi, lautre hiver, plus sourd que les cerveaux denfants,Je courus ! Et les Pninsules dmarresNont pas subi tohu-bohus plus triomphants.La tempte a bni mes veils maritimes.Plus lger quun bou
3、chon jai dans sur les flotsQuon appelle rouleurs ternels de victimes,Dix nuits, sans regretter loeil niais des falots !Plus douce quaux enfants la chair des pommes sres,Leau verte pntra ma coque de sapinEt des taches de vins bleus et des vomissuresMe lava, dispersant gouvernail et grappin.Et ds lors
4、, je me suis baign dans le PomeDe la Mer, infus dastres, et lactescent,Dvorant les azurs verts ; o, flottaison blmeEt ravie, un noy pensif parfois descend ;O, teignant tout coup les bleuits, dliresEt rhythmes lents sous les rutilements du jour,Plus fortes que lalcool, plus vastes que nos lyres,Ferme
5、ntent les rousseurs amres de lamour !Je sais les cieux crevant en clairs, et les trombesEt les ressacs et les courants : je sais le soir,LAube exalte ainsi quun peuple de colombes,Et jai vu quelquefois ce que lhomme a cru voir !Jai vu le soleil bas, tach dhorreurs mystiques,Illuminant de longs figem
6、ents violets,Pareils des acteurs de drames trs antiquesLes flots roulant au loin leurs frissons de volets !Jai rv la nuit verte aux neiges blouies,Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,La circulation des sves inoues,Et lveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !Jai suivi, des mois pleins
7、, pareille aux vacheriesHystriques, la houle lassaut des rcifs,Sans songer que les pieds lumineux des MariesPussent forcer le mufle aux Ocans poussifs !Jai heurt, savez-vous, dincroyables FloridesMlant aux fleurs des yeux de panthres peauxDhommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des bridesSous lhoriz
8、on des mers, de glauques troupeaux !Jai vu fermenter les marais normes, nassesO pourrit dans les joncs tout un Lviathan !Des croulements deaux au milieu des bonaces,Et les lointains vers les gouffres cataractant !Glaciers, soleils dargent, flots nacreux, cieux de braises !chouages hideux au fond des
9、 golfes brunsO les serpents gants dvors des punaisesChoient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !Jaurais voulu montrer aux enfants ces doradesDu flot bleu, ces poissons dor, ces poissons chantants.- Des cumes de fleurs ont berc mes dradesEt dineffables vents mont ail par instants.Parfois, mart
10、yr lass des ples et des zones,La mer dont le sanglot faisait mon roulis douxMontait vers moi ses fleurs dombre aux ventouses jaunesEt je restais, ainsi quune femme genoux.Presque le, ballottant sur mes bords les querellesEt les fientes doiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.Et je voguais, lorsqu trave
11、rs mes liens frlesDes noys descendaient dormir, reculons !Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,Jet par louragan dans lther sans oiseau,Moi dont les Monitors et les voiliers des HansesNauraient pas repch la carcasse ivre deau ;Libre, fumant, mont de brumes violettes,Moi qui trouais le ciel
12、 rougeoyant comme un murQui porte, confiture exquise aux bons potes,Des lichens de soleil et des morves dazur ;Qui courais, tach de lunules lectriques,Planche folle, escort des hippocampes noirs,Quand les juillets faisaient crouler coups de triquesLes cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;Moi qu
13、i tremblais, sentant geindre cinquante lieuesLe rut des Bhmots et les Maelstroms pais,Fileur ternel des immobilits bleues,Je regrette lEurope aux anciens parapets !Jai vu des archipels sidraux ! et des lesDont les cieux dlirants sont ouverts au vogueur :- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors e
14、t texiles,Million doiseaux dor, future Vigueur ?Mais, vrai, jai trop pleur ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer :Lcre amour ma gonfl de torpeurs enivrantes. que ma quille clate ! que jaille la mer !Si je dsire une eau dEurope, cest la flacheNoire et froide o vers le crpuscule embaumUn enfant accroupi plein de tristesse, lcheUn bateau frle comme un papillon de mai.Je ne puis plus, baign de vos langueurs, lames,Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,Ni traverser lorgueil des drapeaux et des flammes,Ni nager sous les yeux horribles des pontons.