1、LE LIEVRE ET LE HERISSONPersonne ne voudra croire cette histoire. Elle est cependant vridique, car mon grand-pre, qui me la dite, tenait beaucoup rpter avant de me la raconter : - Il faut bien quelle soit vraie, mon enfant, sinon je ne pourrais pas te la conter. Voil donc lhistoire : a se passait en
2、 automne, un dimanche matin. Le soleil stait lev bien brillant dans le ciel, le vent du matin caressait les chaumes dune chaude haleine, les alouettes chantaient, les abeilles butinaient dans les fleurs et les gens endimanchs se rendaient lglise. Tout le monde tait content. Le hrisson aussi. Le hris
3、son se tenait devant la porte de sa maison, les bras croiss, le regard dans le vent, entonnant une chanson ni bien ni mal, comme peut le faire un hrisson par un beau dimanche matin. Tout en chantant, il lui vint lide que, pendant que sa femme lavait et habillait les enfants, il pourrait bien faire u
4、n bout de promenade travers champs, pour voir ce que devenaient les navets. Les navets ntaient pas loin de sa maison il sen nourrissait avec sa famille et, par consquent, les considrait comme sa proprit personnelle. Le hrisson tira derrire lui la porte de la maison et prit le chemin du champ. Il nta
5、it pas encore trs loin et sapprtait justement contourner un buisson de prunelliers, avant de monter vers le champ, quand il rencontra le livre qui tait en route avec les mmes intentions que lui : il voulait aller voir ses choux. Le hrisson le salua amicalement. Le livre, monsieur trs considrable en
6、son genre et horriblement fier, ne lui rendit mme pas son salut, se contentant de lui dire dun air mielleux : - Comment se fait-il que tu te promnes dans les champs de si bon matin ? - je me promne, rpondit le hrisson. - Tu te promnes ? ricana le livre. Jai limpression que tu pourrais te servir de t
7、es jambes meilleur usage. Ce discours irrita normment le hrisson, car il supportait toutes les plaisanteries, sauf celles ayant trait ses jambes que la nature avait faites torses.- Timaginerais-tu, dit-il au livre, que tu peux mieux faire que moi avec tes jambes ? - Je me limagine ! lui dit le livre
8、. - Eh bien ! dit le hrisson, nous allons voir. je suis sr de te dpasser si nous faisons une course. - Tu plaisantes ! toi, avec tes jambes tordues ? dit le livre. Mais enfin, daccord, si tu y tiens absolument. Que parions-nous ? - Un louis dor et une bouteille de vin, dit le hrisson. - Accept, rpon
9、dit le livre. Topons l et on pourra y aller. - Non, ce nest pas si press, dit le hrisson. je suis encore jeun. je vais dabord aller la maison pour prendre mon petit djeuner. Dans une demi-heure, je serai de nouveau ici. Le livre accepta et le hrisson sen alla. En chemin, il pensa : Le livre sen reme
10、t ses longues jambes. Mais je laurai quand mme. Il a beau tre un monsieur considrable, il nen est pas moins un pauvre sot. Il faudra bien quil paye ! Quand il arriva chez lui, il dit sa femme : - Femme, habille-toi vite, il faut que tu viennes aux champs avec moi - Que se passe-t-il donc ? demanda s
11、a femme. - Jai pari un louis dor et une bouteille de vin avec le livre. Nous allons faire une course et il faut que tu sois prsente. - Ah ! Mon Dieu ! se mit gmir dame Hrissonne. Serais-tu fou ? Tu as donc perdu compltement la raison. Comment peux-tu faire un pari, pour une course avec un livre ? -
12、Tais-toi, femme ! dit le hrisson. Cela me regarde. Ne toccupe pas des affaires des hommes. En avant, marche ! Habille-toi et viens ! Il ny avait rien faire : elle dut le suivre, bon gr, mal gr. En cours de chemin, le hrisson dit sa femme : - coute bien ce je vais te dire ; tu vois, cest dans ce cham
13、p que nous allons faire la course. Le livre court dans ce sillon, moi dans cet autre. Nous partirons de l-bas. Tu nas rien dautre faire qu te placer au bout de ce sillon et quand le livre arrivera, tu diras : je suis dj arriv .Arriv sur place, le hrisson laissa sa femme un bout du champ et se rendit
14、 lautre extrmit. Le livre lattendait. - On peut y aller ? demanda-t-il. - Bien sr, rpondit le hrisson. - Eh bien ! allons-y ! Et chacun de prendre place dans son sillon. Le livre compte - Un, deux, trois. Et il dmarra avec la vitesse dun vent dorage. Le hrisson lui, ne fit que trois ou quatre pas, s
15、e coucha au fond du sillon et ne bougea plus. Lorsque le livre en plein lan arriva au bout du champ, la femme du hrisson lui cria : - je suis dj ici Le livre nen revenait pas. Il croyait que ctait le hrisson lui-mme qui lui parlait. Sa femme avait exactement la mme apparence que lui. Mais le livre d
16、it. - Ce nest pas naturel. Et il scria. - je vais recourir dans lautre sens !Et, de nouveau, il partit comme une tempte, et ses oreilles en volaient au-dessus de sa tte. La femme du hrisson resta tranquillement sa place. Quand le livre arriva lautre extrmit du champ, le hrisson lui cria - Je suis dj
17、 ici ! Le livre, que la passion mettait hors de lui, scria - On refait le mme chemin ? - a mest gal, dit le hrisson. Aussi longtemps que tu voudras. Et cest ainsi que le livre courut encore soixante-treize fois et le hrisson gagnait toujours. Chaque fois que le livre arrivait en bas ou en haut du ch
18、amp, le hrisson ou sa femme disaient : je suis dj ici ! la soixante-quatorzime fois, le livre narriva pas jusquau bout du parcours. Il tomba au milieu du champ, le sang lui sortant par la bouche. Il tait mort. Le hrisson prit le louis dor et la bouteille de vin quil avait gagns, appela sa femme, et
19、tous deux, bien contents, regagnrent leur maison. Et sils ne sont pas morts depuis, cest quils vivent encore. Cest ainsi quil arriva sur la lande quun livre fit la course avec un hrisson jusqu en mourir. Et depuis ce jour-l, dans ce pays, aucun livre ne sest laiss prendre parier pour une course avec un hrisson.