1、Le RoiteletAutrefois, chaque son avait sa propre signification et son importance. Lorsque le frappe-devant dun forgeron retentissait sur le mtal, il chantait : Je forge, je forge, boum, boum, boum ! Lorsque le rabot dun menuisier grinait, il sencourageait au travail en rptant sans cesse : Un grincem
2、ent par-ici, un grincement par-l, ils sont tous pour toi ! et lorsque les roues dun moulin tournaient, elles rsonnaient : Que Dieu nous garde, clapotis, clapotas, que Dieu nous garde clac, clac ! Lorsque le meunier tait un filou, les roues du moulin en marche taient au dbut trs polies et demandaient
3、 : Qui est l, qui est l ? et se donnaient la rponse elles-mmes : Cest le meunier, cest le meunier . Et la fin elles rptaient sans cesse : Il vole comme une pie, tu nauras quun demi-sac dun huitime. Jadis, les oiseaux avaient aussi leur propre langage et tout le monde les comprenait, tandis que de no
4、s jours leur piaillement nest pour nous quun gazouillis, un jacassement, un cri ou un sifflement ou, dans le meilleur des cas, une musique sans paroles. Un jour, les oiseaux dcidrent dlire leur roi, parce quils ne voulaient plus vivre sans matre. Un petit oiseau ne fut pourtant pas daccord, car il v
5、ivait librement et voulait aussi mourir librement. Ctait le vanneau. Il voletait tout affol et gazouillait :- O dois-je voler, o dois-je men aller ? Finalement il dcida de vivre lcart, sinstalla au bord dun marcage isol et ne rejoignit plus jamais les autres. Les oiseaux voulurent se consulter avant
6、 de prendre leur dcision et, un beau matin du mois de mai, ils quittrent leurs forts et leurs champs pour tous se rassembler. Il y avait laigle, le pinson, le hibou et la caille, lalouette et le moineau, bref tous ceux qui existaient et il serait fastidieux de les numrer tous. Se prsentrent galement
7、 le coucou et la huppe, surnomme le sacristain du coucou, parce quon lentend toujours quelques jours avant ce dernier. la grande runion arriva aussi, en sautillant, un tout petit oiseau, qui navait mme pas encore de nom et qui se mla aux autres. cause dun concours de circonstances la poule deau qui
8、ignorait tout de llection prvue, fut trs surprise par tout ce monde. Elle se mit caqueter : Quoi ? Quoi ? mais le coq la rassura tout de suite en criant : Cest un grand rassemblement ! Ensuite il expliqua sa poule prfre ce qui se prparait, puis il se mit se vanter : - Ils ont invit les hros ! Et moi
9、 aussi ! Lassemble gnrale dcida quelle lirait roi celui qui volerait le plus haut. Une rainette cache dans un buisson lentendit et coassa un cri davertissement Pourquoi pleurer ? Quelle ide insense ! car elle pensait quune telle lection ne pouvait apporter que des pleurs et des embtements. Une corne
10、ille lobligea pourtant se taire et croassa quil ny aurait pas de vacarme, que tout irait comme sur des roulettes et que la comptition serait trs belle, trs belle ! Les oiseaux rassembls dcidrent quils partiraient tous laube pour quaucun ne puisse crier en cherchant des excuses : Jaurais srement pu v
11、oler plus haut encore mais la tombe de la nuit men a empch. Lorsque le dpart fut donn, tous les oiseaux rassembls se dirigrent vers le ciel. Des nuages de poussire montrent des champs, on entendit un bourdonnement intense, le battement des ailes, des soufflements et des sifflements et, premire vue,
12、on aurait pu croire quun gros nuage tout noir slevait vers le ciel toute vitesse. Les petits oiseaux furent vite bout de souffle et prirent du retard. Puis, ne pouvant plus continuer, ils redescendirent au sol. Les oiseaux plus grands tinrent le coup plus longtemps, mais aucun ne put galer laigle qu
13、i montait toujours plus haut, et encore et encore, et il aurait presque pu crever les yeux du soleil. Lorsquil saperut que les autres narrivaient pas le suivre, il se dit : Pourquoi monter plus haut encore, puisquil est clair que le roi cest moi ! et il descendit lentement jusquau sol. Les oiseaux s
14、e mirent aussitt lacclamer :- Cest toi qui seras notre roi, car aucun de nous na pu monter aussi haut que toi ! - Sauf moi, scria le petit oiseau sans nom. En effet, il stait cach avant le dpart de la course entre les plumes de la poitrine de laigle et ntant donc pas fatigu, il senvola et monta si h
15、aut quil pouvait apercevoir le bon Dieu assis sur son trne cleste. Ayant atteint cette hauteur incroyable, il replia ses ailes, descendit jusquau sol et cria dune voix sifflante :- Je suis le roi ! je suis le roi ! Le roi, cest moi ! - Toi, notre roi ? scrirent les oiseaux en colre. Tu nas russi que
16、 grce ta ruse, tricheur ! Et sur-le-champ, ils formulrent une nouvelle condition dlection : le roi serait celui qui saurait pntrer le plus profondment dans la terre. Ctait vraiment drle de voir loie battre lherbe avec sa large poitrine ! Et si vous aviez vu le coq sefforant de creuser un petit trou
17、dans le sol ! Le sort le plus cruel fut rserv pourtant au canard qui sauta dans un foss et se foula les deux pattes. Il russit en sortir en clopinant et il rejoignit difficilement un lac situ proximit en se lamentant: - Mon Dieu, quelle dbcle, quelle triste spectacle ! Le tout petit oiseau trouva en
18、 attendant un trou creus par une souris. Il sy glissa et fit entendre sa petite voix fluette : - Je suis le roi ! je suis le roi ! Le roi, cest moi ! Les autres oiseaux piaillrent alors encore plus fort quauparavant :- Toi, notre roi ? Tu ne crois tout de mme pas que nous allons gober ton stratagme
19、douteux, espce de mauviette ! Et ils dcidrent de lemprisonner dans le trou et de ly laisser mourir de faim. Ils confirent la garde au hibou auquel ils recommandrent que, pour rien au monde, il ne devait laisser le tricheur schapper, sil tenait rester en vie. La nuit tomba. Les oiseaux fatigus par le
20、ur long vol commencrent rentrer chez eux pour y retrouver leurs femmes et leurs petits, et pour se coucher. Le hibou resta tout seul prs du trou et, immobile, il le fixait de ses yeux normes. Nanmoins, lui aussi fut gagn par la fatigue. Je peux tout de mme fermer un il, se dit-il, puisque je surveil
21、le aussi avec lautre. Il veillera et ne permettra pas ce roitelet infme de senfuir. Il ferma donc un il et guetta fixement le trou avec lautre. Le petit oiseau coquin voulut senfuir et il sortit la tte du trou, mais le hibou sapprocha vite et il fut oblig de la rentrer immdiatement. Peu de temps apr
22、s, le hibou ouvrit lil ferm et ferma lautre, avec lintention de rpter cette manuvre toute la nuit. Mais une fois, en fermant lil ouvert, il oublia douvrir lautre, et peine eut-il les deux yeux ferms quil sendormit. Le petit oiseau, sen tant trs vite aperu, sortit du trou et senfuit. Depuis lors le h
23、ibou ne peut plus sortir la lumire du jour, car les oiseaux se jetteraient sur lui, lui voleraient dans les plumes et lui en feraient voir de toutes les couleurs. Cest pourquoi il ne sort que la nuit et, plein de rancune, il chasse les souris. Il les dteste, car elles creusent dhorribles trous. Mais
24、 le petit roitelet prfre lui aussi ne pas se montrer, car il ne veut pas risquer sa tte en se laissant attraper. Il se cache donc, se faufile dans les haies et parfois, lorsquil se sent vraiment en scurit, il crie :- Je suis le roi ! je suis le roi ! Le roi, cest moi !En lentendant les autres oiseau
25、x se moquent en criant :- Roitelet, Roitelet, tu te caches dans les haies ! Tous les oiseaux taient contents de ne plus devoir couter le roitelet ; mais ctait lalouette la plus heureuse. Cest pourquoi elle monte vers le ciel aux premiers rayons du soleil de printemps et grisolle :Quelle joie, la Terre est belle, quel bonheur de vivre sur elle.