1、Le petit neIl tait une fois un roi et une reine qui avaient tout ce quils souhaitaient, mais ils navaient pas denfant. La reine tait dsespre, et tous les jours et toutes les nuits elle se lamentait :- Je suis comme une terre en friche o rien ne germe. Enfin le ciel exaua ses prires ; mais lorsque le
2、nfant fut n, il ne ressemblait en rien un homme: ctait un petit ne. Lorsque sa mre le vit, elle se mit se lamenter de plus belle :- Plutt quun ne comme fils, dit-elle, je prfre ne pas avoir denfant du tout. On devrait le jeter leau, pour quil se fasse dvorer par les poissons.Mais le roi ne fut pas d
3、accord et dit :- Le bon Dieu nous la donn, il sera donc mon fils et mon hritier et aprs ma mort cest lui qui sassira sur le trne et portera la couronne royale.Ils duquaient donc le petit ne de leur mieux, et celui-ci grandissait bien. Il se rjouissait de la vie, samusait, jouait, mais par-dessus tou
4、t il aimait la musique. Aussi sen alla-t-il trouver un clbre musicien et lui demanda :- Apprends-moi ton art. Que je sache jouer du luth aussi bien que toi.- Pauvre petit, soupira le musicien. Vos doigts ne sont pas faits pour jouer du luth ; ils sont mme trop grands, je crains que les cordes ne tie
5、nnent pas.Mais il pouvait toujours dire tout ce quil voulait, le petit ne avait dcid de jouer du luth et ne cda pas. Et il finit par y arriver. Il tait si assidu et si appliqu quil avait appris jouer aussi bien que son matre.Un jour, le petit ne se promenait et il arriva jusqu un puits. L, il vit sa
6、 tte dne se reflter sur la surface de leau. Il fut si attrist par ce quil venait de voir quil sen alla dans le monde ; il ne prit avec lui que son compagnon fidle. Ils avaient march par monts et par vaux, lorsquils arrivrent dans un royaume o rgnait un vieux roi. Il navait quune fille, mais elle tai
7、t trs belle. - Nous resterons un peu par ici, dcida le petit ne.Il frappa la porte du chteau et cria :- Un hte est devant votre porte ; ouvrez pour quil puisse entrer !Comme la porte ne souvrait pas, le petit ne sassit, prit son luth, et avec ses pattes avant, il joua merveilleusement.Le portier, ch
8、arg de surveillance, carquilla les yeux et courut annoncer au roi :- Dehors, devant la porte du chteau, il y a un petit ne et il joue du luth comme un grand matre.- Faites-le donc venir, demanda le roi.Ds que le petit ne entra avec son luth dans la grande salle, tout le monde se moqua de lui. Puis i
9、ls lui recommandrent daller en bas, chez les gens de service, de sy asseoir et dy manger. Mais le petit ne protesta :- Je ne sors pas dune vulgaire table, je descends dune famille noble !- Si tu es si noble, lui dirent-ils, va tasseoir avec les soldats.- Non, refusa le petit ne, je veux masseoir ave
10、c le roi.Le roi rit, et comme il tait de bonne humeur, il acquiesa.- Entendu, petit ne, comme tu veux : viens ici, prs de moi.Ensuite il lui demanda :- Et comment trouves-tu ma fille, petit ne ?Le petit ne tourna la tte vers la princesse, la regarda de la tte aux pieds et dit :- Elle me plat beaucou
11、p, je nai jamais vu de fille plus belle.- Va donc tasseoir prs delle, dit le roi.- Volontiers, se rjouit le petit ne.Et il alla sasseoir prs de la princesse. Puis il mangea et but avec de trs belles manires, trs proprement.Le noble petit ne resta un temps la cour du roi. Il ny a rien faire, se dit-i
12、l un jour, il faut que tu rentres la maison. Triste et la tte baisse, il se prsenta devant le roi et lui demanda lautorisation de partir. Or, le roi stait habitu lui et lapprciait normment. Il se mit donc le questionner :- Quest-ce que tu as, petit ne ? Tu as lair si triste ! Reste chez moi, je te d
13、onnerai tout ce que tu veux. Veux-tu de lor ?- Non, fit le petit ne en secouant la tte.- Veux-tu des bijoux, des objets rares ?- Non, merci.- Veux-tu la moiti de mon royaume ?- Non, non.- Si je savais ce qui pourrait te faire plaisir, soupira le roi. Veux-tu la main de ma gracieuse fille ?- Oh, oui,
14、 acquiesa le petit ne, elle, je la voudrais vraiment.Et tout coup il fut plus gai, sa bonne humeur revint, car ctait prcisment ce quil souhaitait le plus. Et on donna alors un magnifique banquet de noces. Le soir, avant que les maris naient t accompagns leur chambre coucher, le roi, voulant sassurer
15、 que le petit ne continuerait se conduire avec toujours autant de belles manires, ordonna son valet de se cacher dans leur chambre.Les nouveaux maris entrrent dans leur chambre coucher. Le mari ferma le verrou puis, croyant quils taient seuls, il ta subitement sa peau dne. Il apparut devant la marie
16、 comme un beau et jeune prince.- Tu sais maintenant qui je suis, dit-il, et tu vois aussi que je ne suis pas indigne de toi.Lheureuse marie lembrassa et en tomba perdument amoureuse.Or, ds laube le jeune homme revtit sa peau dne. Personne ne pouvait souponner ce que la peau cachait ! Et bientt, le v
17、ieux roi arriva.- Tiens donc, le petit ne est dj debout ! scria-t-il. Tu es sans doute triste, se tourna-t-il vers sa fille, de navoir pu pouser un vrai jeune homme ?- Pas du tout, pre, je laime tant que pour moi il est le plus beau du monde ; de toute ma vie, je ne veux que lui.Le roi fut surpris,
18、mais son valet accourut et lui raconta tout.- Ce nest tout de mme pas possible ! stonna le roi.- Restez donc cette nuit dans leur chambre, vous verrez tout de vos propres yeux, lui conseilla le valet. Et jai encore une autre ide. Prenez-lui sa peau et jetez-la dans le feu. Il ne lui restera plus qu
19、se montrer sous sa vritable apparence.- Trs bonne ide, dit le roi.Le soir, lorsque les jeunes maris dormaient, il se glissa comme une ombre dans leur chambre coucher, il sapprocha du lit et au clair de lune il aperut un beau jeune homme dormant paisiblement. La peau dne te tait par terre. Le roi lem
20、porta et fit allumer dehors un grand feu, puis il y fit jeter la peau. Et il veilla personnellement ce quelle ft rduite en cendres. Et comme il voulait savoir comment le petit ne vol allait ragir, il resta veill toute la nuit. laube, ds quil se rveilla, le jeune homme se leva et voulut se glisser no
21、uveau dans sa peau dne ; mais il la chercha en vain. Il en fut horrifi et il cria avec une voix pleine dpouvante :- Il ne me reste plus qu fuir !Il sortit de la chambre, mais le roi ly attendait.- O vas-tu, cher fils, linterpella-t-il. Que veux-tu faire ? Reste ici : tu es un beau jeune homme et je
22、ne te laisserai pas partir. Je te donnerai tout de suite la moiti de mon royaume et, aprs ma mort, tu seras le matre du pays tout entier.- Pourvu que ce bon dbut prsage une bonne fin, dit le jeune homme.Le vieux roi lui donna la moiti du royaume, et quand il mourut lanne suivante, le jeune roi devint le matre du pays tout entier. Et aprs la mort de son propre pre, il hrita galement du royaume natal. Il vcut ainsi majestueusement.